Antigone, héroïne tragique devenue symbole au Proche-Orient
Événement théâtral à Genève. La Comédie accueille le Théâtre national palestinien, cette troupe de Jérusalem-Est, qui interprète deux créations signées par le metteur en scène palestinien Adel Hakim, Dans le contexte du Proche-Orient, l'"Antigone" de Sophocle prend des allures de symbole.
Rendez-nous les corps, respectez les morts
La tragédie de Sophocle résonne de manière dramatiquement actuelle au Proche-Orient. Autorités israéliennes et factions palestiniennes se disputent régulièrement les corps de leurs morts. Le Hamas refusant de rendre le corps de soldats de Tashal tués lors d’opérations dans la bande de Gaza.
A l’inverse, les autorités israéliennes sont réticentes à rendre aux familles les corps des Palestiniens qui meurent lors d’attaques sur sol israélien. Dans l’"Antigone" du Théâtre national palestinien, la voix du poète palestinien Mahmoud Darwich vient se mêler aux suppliques des protagonistes: exilé, le poète avait souhaité être enterré sur sa terre natale en Galilée, ce qu’a refusé le gouvernement israélien. Il est aujourd’hui enterré à Ramallah.
Selon l’écrivain et dramaturge algérien Mohamed Kacimi, proche du metteur en scène Adel Hakim, la solitude d’Antigone et sa détermination évoquent pour les Palestiniens la situation et le non-avancement de leur cause et de leurs revendications à retrouver leurs terres.
Toutes des Antigone
Le personnage inspire et résonne aussi dans d'autres pays. En Syrie une autre création, créé à Beyrouth en 2015, a connu un grand retentissement au Liban comme en France. Dans "Antigone of Shatila", des femmes réfugiées syriennes et palestiniennes du camp libanais de Shatila entrelacent leurs récits personnels avec celui de l’héroïne qui se dresse contre le tyran.
Grâce au théâtre, ces femmes anonymes ont eu ainsi la possibilité de prendre la parole, d’exister comme individus et de témoigner de la perte d’un proche. Polynice, resté sans sépulture décente, symbolise les disparus torturés dans les prisons du président syrien Bachar El-Assad. Le metteur en scène syrien Omar Abusaada a ainsi créé sa version de la tragédie grecque.
Une pièce complexe pour des croyants musulmans
Les pulsions de morts et le suicide de plusieurs personnages de cette tragédie antique – par défi, par amour ou pour cause de désespoir - sont contraires aux principes de l’Islam qui proscrit le suicide. Mohamed Kacimi note toutefois dans un entretien donné à là la RTS, que la situation des réfugiés palestiniens est si désespérées que le suicide est devenu une issue acceptable pour de nombreux jeunes. De même que la perspective de mourir en martyr.
Thierry Sartoretti/mcc
- "Antigone", du 21 au 23 février et "Des roses et du jasmin", 25 février, à la Comédie de Genève.