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"Poutine, une petite personne qui se prend pour un grand empereur"

Sergueï Jirnov, ex-agent du KGB. [RTS - RTS]
Sergueï Jirnov, ex-agent du KGB, évoque le conflit en Ukraine / Tout un monde / 6 min. / le 25 février 2022
Ancien du KGB soviétique, Sergueï Jirnov a suivi la carrière "ratée" de Vladimir Poutine chez les espions puis son arrivée au pouvoir à Moscou. Interrogé vendredi par la RTS, il décortique le parcours d'un homme aujourd'hui "complètement déconnecté".

Sergueï Jirnov vit en France depuis 2001, où il a obtenu le statut de réfugié politique. Il a suivi le parcours de Vladimir Poutine dès les années 1980 au sein du service d'espionnage soviétique.

Mais aujourd'hui, celui qui a écrit l'an dernier l'ouvrage "KGB-DGSE, deux espions face à face" dit ne plus comprendre du tout le personnage.

"Quelqu'un qui apparaît de plus en plus comme malade"

Personne ne sait pourquoi il agit maintenant et quelles sont ses motivations réelles, affirme-t-il dans l'émission Tout un monde. "Il est complètement irrationnel. Pour la Russie, qui possède 17,5 millions de km2, l'enjeu n'est pas territorial, c'est évident. Si on cherche ce qui pourrait être logique dans la tête de quelqu'un qui apparaît de plus en plus comme malade tout simplement, c'est une vengeance par rapport à un peuple qui est devenu une nation indépendante, une vraie nation, contrairement à la nation russe."

Et pour Sergueï Jirnov, qui a connu Vladimir Poutine à l'époque, il est clair que la vision des relations internationales du président russe est déterminée par son passé d'agent du KGB.

Un homme jugé "trop dangereux" au KGB

"C'est une personne très particulière, qui d'ailleurs a raté sa carrière dans le service d'espionnage", explique-t-il. "On est entrés la même année, en 1984, à l'Institut Andropov [spécialisé dans la formation des cadres du renseignement soviétique, devenu depuis l'Académie du renseignement extérieur]".

Après une année d'études, Vladimir Poutine a été mis dehors, se souvient son ancien collègue, "parce que l'institut l'a jugé trop dangereux".

C'était une personne qui n'arrivait pas à mesurer le degré de danger autour de lui. Il représentait donc un danger pour lui et pour le service, poursuit-il. "Il a été renvoyé à Leningrad et après, par piston de l'ancien directeur du KGB de Leningrad, il a été envoyé à Dresde, dans un poste secondaire."

Trois "mâles alpha" que Vladimir Poutine écoute

D'anciens chefs d'Etat, notamment, ont dit que Vladimir Poutine ne comprenait que le bras de fer. Sergueï Jirnov abonde et relève que celui-ci n'écoute que trois personnes dans le monde, à commencer par le leader chinois "qui le domine complètement".

Car le président russe n'a rien d'un mâle alpha, même si on le présente souvent comme tel, précise-t-il. "Le mâle alpha, c'est Xi Jinping", affirme l'ancien du KGB. "Après, c'est Erdogan (…), qui a montré à Poutine comment il faut agir. Et le troisième mâle alpha qui agit sur lui est Ramzan Kadyrov, qui dirige la Tchétchénie et qui fait de lui ce qu'il veut. Poutine, ajoute-t-il, "c'est une petite personne insignifiante qui se prend pour un grand empereur".

Un homme aujourd'hui "vraiment tout seul"

Et aujourd'hui, le président russe n'est plus le même qu'il y a vingt ans, estime encore Sergueï Jirnov. "Cela n'a pas toujours été le même homme."

L'ancien espion rappelle qu'il n'est pas arrivé au pouvoir par un processus démocratique. "La famille de l'ancien président Eltsine, très malade, a cherché une petite marionnette - quelqu'un qu'ils croyaient marionnette. Elle a mis Poutine artificiellement sur le trône à Moscou et ça lui est monté à la tête. Il a compris tout de suite que c'était la chance de sa vie et il a commencé à changer".

Depuis un an, c'est quelqu'un qui s'est coupé complètement, observe encore ce Russe réfugié en France. "Les images de son Noël sur internet le montrent. Il était tout seul, sans famille, sans amis, même pas d'entourage proche. Il est vraiment tout seul, complètement déconnecté. Et là, il a passé le point de non-retour en Ukraine. C'est ça qui est très dangereux".

Propos recueillis par Blandine Lévite/oang

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