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La Suisse manque de main-d'oeuvre pour installer des panneaux solaires

Les panneaux solaires, une tendance qui pourrait s'accélérer, mais le secteur manque de main d'œuvre qualifiée
Les panneaux solaires, une tendance qui pourrait s'accélérer, mais le secteur manque de main d'œuvre qualifiée / 19h30 / 2 min. / le 22 mars 2022
Les producteurs d'énergie suisses s'inquiètent du manque de travailleurs qualifiés pour l'installation de panneaux photovoltaïques. Alors que la Confédération veut renforcer la production solaire, la pénurie est telle qu'elle pourrait mettre en péril les objectifs climatiques de la Suisse.

L'énergie solaire a le vent en poupe. Il ne s'est jamais vendu autant d'installations photovoltaïques qu'en 2020, dernière année pour laquelle on dispose de chiffres consolidés. Par rapport à l'année précédente, la hausse s'élève à près de 50% (cf. encadré). Une poussée alimentée à la fois par les préoccupations écologiques de la population et par les inquiétudes en matière de dépendance énergétique vis-à-vis de l'étranger.

Cette tendance s'est accentuée récemment, à la faveur du débat sur le risque de pénuries d'électricité lancé par le conseiller fédéral Guy Parmelin en octobre dernier, selon le groupe énergétique BKW cité dans L'Agefi. Et la menace que fait peser le conflit en Ukraine sur l'approvisionnement en gaz et en pétrole pourrait encore renforcer l'intérêt pour les énergies renouvelables, solaire en tête.

Signe des temps, pas moins de 200'000 panneaux solaires ont été installés sur les toits en Suisse pour le seul mois de février, relevait la ministre de l'Environnement Simonetta Sommaruga dans La Matinale de la RTS la semaine dernière. Face à cette demande toujours plus importante, le nombre de travailleurs formés ne suffit plus. Michel Beaud, directeur général du secteur Technique et infrastructures du Groupe E, n'hésite pas à parler de “pénurie”.

>> L'interview de Simonetta Sommaruga dans La Matinale (16.03.2022) :

L'invitée de La Matinale - Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale à la tête du DETEC
L'invitée de La Matinale - Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale à la tête du DETEC / La Matinale / 11 min. / le 16 mars 2022

“Il y a une telle demande sur le marché des installations photovoltaïques que nos entreprises ont du mal à suivre”, relève Michel Beaud. “Le solaire réunit beaucoup de compétences qu'on trouve dans plusieurs métiers - couvreurs, ferblantiers, électriciens - et il n'existe pas d'apprentissage qui regroupe toutes ces formations”, déplore le responsable. Cette lacune accentue encore les difficultés de recrutement de personnel qualifié.

Dix fois plus de travailleurs nécessaires

Pour atteindre l'objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre d'ici 2050 fixé par la Confédération, il faudrait multiplier par quinze la production solaire actuelle. Le manque de main-d'oeuvre disponible représente par conséquent une véritable menace pour la transition énergétique de la Suisse, selon l'ingénieur en énergie Marc Müller, fondateur de la société Impact Living et producteur d'émissions sur l'écologie pour la RTS.

“Aujourd'hui, il y a entre 5000 et 8000 personnes qui travaillent dans le domaine solaire; il en faudrait entre 50'000 et 80'000. C'est à peu près l'équivalent de tous les employés du secteur bancaire”, souligne Marc Müller. Et l'écologiste d'ajouter, sur le ton de la plaisanterie: “Il faudrait donc prendre tous les banquiers et les mettre à poser des panneaux solaires pour avoir une seule chance de réussir notre transition énergétique”.

La reconversion professionnelle comme solution?

Face à cette pénurie, Jürg Grossen, le président de la faîtière Swissolar, mise notamment sur la reconversion professionnelle. “Certaines professions - pompistes, ramoneurs ou encore certains chauffagistes - ne seront plus très utiles à l'avenir. Nous devons les reconvertir et les amener vers le solaire. Ça marche assez bien; beaucoup d'entreprises ont ainsi pu engager de nouveaux employés ces derniers mois”, note celui qui est également à la tête des Vert'libéraux suisses.

Sur le plan de la formation, les choses commencent d'ailleurs à bouger. Un premier apprentissage dédié spécifiquement au solaire sera lancé l'année prochaine et les premiers diplômes seront délivrés en 2026. Les entreprises réagissent également. Dès le mois de mai, le Groupe E, par exemple, formera 40 nouveaux installateurs-électriciens chaque année.

Valérie Gillioz et Didier Kottelat

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L'électricité solaire en quelques chiffres

Transition énergétique oblige, l'industrie photovoltaïque en Suisse est en forte croissance. En 2019, le chiffre d'affaires de la branche dépassait les 600 millions de francs. Selon les estimations, entre 5000 et 8000 personnes étaient employées dans ce secteur.

A la fin 2020, on dénombrait quelque 120'000 installations photovoltaïques destinées à la production d'électricité dans le pays et 140'000 installations pour le chauffage solaire des habitations, indiquent les statistiques de l'énergie solaire (en pdf).

Il ne s'est jamais vendu autant de panneaux solaires qu'en 2020. Cette année-là, les ventes de puissances photovoltaïques ont crû de près de 50% par rapport à l'année précédente pour atteindre 493 MW. Et la tendance devrait se poursuivre.

Logiquement, la production totale d'électricité solaire en Suisse s'affiche elle aussi en nette progression. A la fin 2020, elle s'établissait à 2599 GWh, un record. Cela correspond à la consommation d'environ 650'000 ménages.

La proportion du photovoltaïque dans la consommation électrique globale de la Suisse est estimée à 4,66%, selon les statistiques de l'énergie solaire. Cette part a doublé en quatre ans.